
« Un Océan de musique veut rendre hommage aux plus de 25 millions de victimes de la déportation et de l’esclavage par les nations européennes pendant près de quatre siècles – de 1492 à 1888 –, date à laquelle l’esclavage a été aboli au Brésil. » Avec ces mots, Jordi Savall place au cœur de ce programme tous ces hommes, femmes et enfants qui « ont été brutalement arrachés à leurs peuples en Afrique et à Madagascar et emmenés de force dans les colonies européennes ». L’origine du répertoire d’aujourd’hui réside dans ce qu’ils ont pu emporter avec eux : leur culture, leurs chants et leurs traditions, qui les liaient à leurs racines et à leur patrie. En sélectionnant ces œuvres, nous ravivons les souvenirs qu’ils ont entretenus dans les plantations des colonies de l’autre côté de l’océan.
Étant donné que Noël est une occasion de retrouvailles familiales, de paix, de fraternité, et de rencontre avec soi-même, les autres et ses propres racines, il n’est guère étonnant de trouver un tel espace de chaleur et de réconfort dans une musique simple, accueillante, aux mélodies mémorables. On y entend des villancicos créoles, des chants de Noël provenant des territoires conquis en Afrique et en Amérique, qui évoquent la conversion forcée au catholicisme et l’imposition d’une langue – l’espagnol. Il s’agit d’un voyage dans le temps à travers une musique dérivée des anciennes traditions des descendants d’esclaves, engageant un dialogue avec les formes musicales hispaniques et européennes, et embrassant les chants et danses de peuples culturellement mêlés. Avec un fondement philologique rigoureux, ces œuvres musicalement riches méritent de sauver leurs auteurs de l’oubli : Mateu Fletxa l’ancien, Gaspar Fernandes, Jean-Philippe Rameau, Juan García de Zéspedes et d’autres auteurs anonymes, ainsi que des chants griot du Mali, des chants transmis oralement du Brésil, de Cuba et d’Haïti, des chants de griots sud-africains et des spirituals qui ont résonné de génération en génération comme des prières. Cela révèle comment l’héritage africain et américain s’est entremêlé avec des éléments importés de la Renaissance et de l’époque baroque européennes – un héritage remarquablement riche, qui, compte tenu de son histoire, doit être replacé dans le contexte approprié et compris dans toute sa complexité.
Jordi Savall collabore ici avec ses ensembles habituels – La Capella Reial de Catalunya et Hespèrion XXI – mais également avec des musiciens du Canada, de la Guadeloupe, de la Guinée, du Mali, du Mexique, de la Colombie (avec le Tembembe Ensamble Continuo), du Brésil, de Cuba, d’Haïti et du Venezuela. De plus, un acteur récite des textes avec des citations historiques et des détails chronologiques, replaçant chaque œuvre dans son contexte pour le public. Plus de trente musiciens de trois continents – Afrique, Amérique, Europe – se rassemblent sur une même scène pour rappeler cette tragédie humaine à travers le langage universel de la musique. Comme le note Jordi Savall : « Nous entendons des rythmes et des chants qui nous rappellent cette histoire de souffrance, quand la musique est devenue un moyen de survie et – pour notre plus grand bonheur – le seul refuge apportant paix, réconfort et espoir. ! »
- L’Auditori de Barcelona. Crèdits: Toni Peñarroya
Concerts:
- Teatro Circo de Marte, Santa Cruz de la Palma, 12 janvier 2024
- Auditorio Adán Martín de Tenerife, 13 janvier 2024
- Auditorio Alfredo Kraus, Las Palmas de Gran Canaria, 14 janvier 2024
- L’Auditori, Barcelona, 16 janvier 2024
- Tivoli Vredenburg, Utrecht, 29 août 2024
- Berlin Philharmonie – Große Saal, Berlín, 31 août 2024
- Helmut-List-Halle, Graz, 20 juillet 2025
- Ginebra, Suïssa, 24 avril 2026