MR. DE SAINTE COLOMBE LE FILS Pièces de Viole
Jordi Savall
21,99€
épuisé
Reference: AV9827
- Jordi Savall
- Jean-Pierre Marielle, Récitant
Grâce à un célèbre ouvrage cinématographique, le public connaît quelque peu l’existence de Monsieur de Sainte Colombe, même si le personnage historique a pu différer de la manière dont il fut présenté. Peu importe : la vertu principale dudit ouvrage fut de permettre la redécouverte de ce musicien et de deux de ses filles, elles-mêmes violistes.
Ce que l’on sait moins, voire pas du tout, c’est que l’ascétique Monsieur avait procréé un fils, tout aussi protestant que son père, et qui s’établit en Angleterre probablement en raison de l’historique boulette de Louis XIV avec l’Edit de Nantes, s’y faisant oublier de la France et des cinéastes. Il y a fort à parier que Monsieur-le-Fils fut l’élève de Monsieur-le-Père, et qu’il réussit à se faire un nom en Angleterre en tant que violiste, quand bien même l’instrument commençait sérieusement à tomber en désuétude en ce début du 18ème siècle. Il a même composé des suites émanant de manuscrits redécouverts récemment et qui soulignent l’immensité de l’art de la viole dans la famille Sainte Colombe : six suites dont la dernière se termine par le magnifique Tombeau de Sainte Colombe le Père, un sommet du style du lamento instrumental.
Jordi Savall joue magnifiquement ici une somptueuse viole à sept cordes (donc française, alors que l’anglaise n’a que six cordes) de 1697, tandis que le comédien Jean-Pierre Marielle récite une poignée de mots, à savoir le titre et les intertitres du Tombeau de Monsieur de Sainte Colombe le Père.
(vers 1660-1710 ?)
La famille Sainte Colombe, victime aujourd’hui de sa discrétion (malgré de patientes recherches, le doute plane toujours sur les informations trouvées), a heureusement laissé des pages de musique admirables, toutes manuscrites, découvertes au cours de ces dernières années. Monsieur de Sainte-Colombe, désormais immortalisé par Jean-Pierre Marielle dans le film “Tous les matins du monde”, n’est peut-être pas tout à fait ce que l’on croit. Quant à Sainte-Colombe le fils, on a récemment retrouvé sa trace… en Angleterre.
D’après ce que l’on peut savoir à ce jour, il semble que la famille soit originaire du Sud-ouest de la France. Le père se prénommerait Jean et aurait passé l’essentiel de sa vie à Paris. Après avoir été l’élève de Nicolas Hotman, il eut à son tour plusieurs disciples : Pierre Méliton, Jean Desfontaines, Jean Rousseau (qui lui dédia son Traité de la viole en 1687), Danoville (qui qualifia son maître d’« Orphée de son temps » dans son Art de toucher le dessus et la basse de viole de la même année). Et surtout Marin Marais dont Titon du Tillet dans son Parnasse François de 1732 a conté la merveilleuse histoire : Sainte-Colombe « s’étant aperçu au bout de six mois que son élève pouvait le surpasser, il lui dit qu’il n’avait plus rien à lui montrer. Marais qui aimait passionnément la viole, voulut cependant profiter du savoir de son maître pour se perfectionner dans cet instrument ; et comme il avait quelque accès dans sa maison, il prenait le temps en été que Sainte-Colombe était dans son jardin enfermé dans un petit cabinet de planches, qu’il avait pratiqué sur les branches d’un mûrier, afin d’y jouer plus tranquillement et plus délicieusement de la viole. Marais se glissait sous ce cabinet ; il y entendait son maître et profitait de quelques passages et de quelques coups d’archets particuliers que les maîtres de l’art aiment à se conserver ; mais cela ne dura pas longtemps, Sainte-Colombe s’en étant aperçu et s’étant mis sur ses gardes pour n’être plus entendu par son élève ». Ce texte tend à montrer la grande simplicité du musicien, voire un certain ascétisme, malgré l’admiration qu’il pouvait susciter autour de lui. Peut-être cette réserve est-elle à mettre en relation avec l’appartenance de Sainte-Colombe au milieu protestant, ainsi que l’attestent ses relations avec, par exemple, Étienne Bourdet (capitaine de frégate rayé des cadres de la Marine du Ponant lors de la révocation de l’Édit de Nantes en 1685), ainsi qu’une note recueillie dans le manuscrit Haag (registre d’état-civil des protestants de l’Église de Charenton) : « Colombe qui tenait une conduite fort suspecte à la religion, 1700 ».
Titon du Tillet à qui l’on doit les principales informations sur Sainte-Colombe évoque deux de ses filles qui « jouaient, l’une du dessus de viole et l’autre de la basse, et formaient avec leur père un concert à trois violes ». Ces deux filles ont été identifiées comme se prénommant Françoise et Brigitte et étant alliées par leur mariage à des familles protestantes d’artistes. Mais c’est seulement Rémond de Saint-Mard qui, dans ses Réflexions sur l’opéra, évoque « un fils naturel de M. de Sainte-Colombe qui n’avait pas assez d’imagination pour mentir ». Or, ce fils, probablement en raison de son engagement religieux, s’était établi en Angleterre, après avoir été sans doute lui aussi l’élève de son célèbre père. Le magnifique tombeau composé à sa mémoire, comme celui de Marin Marais édite en 1701, témoigne d’un hommage en ce sens. Suffisamment apprécié dans son pays d’adoption, Sainte-Colombe le fils enseigne la viole à mademoiselle Grisel Baillie à Edinburgh en 1707 et un concert est donné en son bénéfice le 14 mai 1713 à Londres.
Les six suites pour viole seule de Sainte-Colombe le fils ont été retrouvées à la bibliothèque de la cathédrale de Durham, au nord de l’Angleterre, copiées au début du XVIIIe siècle par un chanoine de la cathédrale du nom de Philip Falle. De la même main subsiste également un ouvrage théologique signé du pasteur Henri Auger de Sainte-Colombe, originaire de la région française du Béarn et certainement membre de la même famille que les musiciens. La production de Sainte-Colombe le fils s’inscrit dans la littérature de viole de gambe plus française qu’anglaise (l’instrument tombe en désuétude dans ce pays, à cette époque), même si le compositeur utilise la viole traditionnelle à six cordes et non à sept comme en France, cette septième corde ayant été ajoutée à l’instrument par son propre père. Contrairement aussi à ce dernier, Sainte-Colombe le fils écrit pour une seule viole, sans accompagnement, ce qui était pourtant en accord avec l’évolution du goût, ainsi que le montre l’œuvre de Marais. Abandonnant définitivement les pièces à titre que l’on trouve chez Sainte-Colombe le père, le fils recourt (excepté pour le Tombeau de la sixième suite) à l’ordre classique de la suite de danses pratiqué à la fin du XVIIe siècle, aussi bien dans la musique pour clavecin que dans celle pour des effectifs de chambre.
Catherine Cessac
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