MINISTRILES REALES Musica Instrumental del Siglo de Oro 1450-1690

Hespèrion XXI, Jordi Savall

19,99


Reference: AVSA9864

  • Jordi Savall
  • Hespèrion XX-XXI

 


L’une des nouveautés les plus intéressantes de la scène musicale des XVe et XVIe siècles est l’affirmation et le développement de l’indépendance du langage instrumental, favorisant l’éclosion de nouvelles formes d’expression musicale, créées à partir des formes vocales ou de la pratique de l’improvisation et de la danse. Dans l’Italie des XV-XVIe siècles, la chanson vocale inspire le développement des « Canzoni da sonare » ou des « Madrigali passeggiati » dans les cours ayant un intense contact avec cette culture – comme les cours flamandes et catalano-aragonaises –. De même, dès le milieu du XVe siècle, à l’apogée de la cour d’Alphonse V le Magnanime récemment installée à Naples, se développe un nouveau répertoire, chaque fois plus spécifique, qui va se populariser et s’étendre dans toute la Péninsule Ibérique au cours de la période des Siècles d’Or. Ceci se produit spécialement dans les cours de Castille, d’Aragon, de Catalogne et de Valence, sans oublier les pays où ces mêmes cours sont présentes politiquement ; comme les Flandres, Naples et la Sicile. Souvenons-nous parallèlement que ce n’est pas un hasard si les premières peintures et les premières fresques où apparaissent les versions premières de la viole de gambe – l’un des instruments les plus typiques de la Renaissance – se trouvent sous diverses formes dans la région de Valence et de Gandia, villes qui avaient un contact intense avec la culture italienne.

Notre approche professionnelle de ce répertoire commence avec l’ensemble ARS MUSICAE de Barcelone (Enric Gispert) dès nos premières années (1966-67) de découvertes et d’expériences, suivies de nos études, recherches et expérimentations réalisées à la SCHOLA CANTORUM BASILIENSIS (1968-70), et plus tard (en 1974), avec la création d’HESPÈRION XX (avec Montserrat Figueras, Hopkinson Smith et Lorenzo Alpert). Ainsi, tout au long de ces plus de 40 ans de recherche et de récupération du patrimoine musical des Hespérides – nom donné par les Grecs aux Péninsules Ibériques et Italiques – nous avons constaté, avec les habituels collaborateurs d’HESPÈRION XX (qui deviendra à partir de 2001 HESPÈRION XXI) l’importance et la signification absolue du patrimoine instrumental propre aux Ministriles depuis le milieu du XVe siècle. Nous y trouvons différentes versions des « Hautes Danses » (en référence aux instruments à vent, principalement aigus et brillants) et des « Basses Danses » (propres aux ensembles de violes de gambe, aux sons plus graves et profonds), combinées et improvisées en contrepoint , à partir de chants grégoriens (« In exitu Israel ») ou des mélodies les plus populaires transformées en « cantus firmus », comme « la Spagna », la « Romanesca », ou « las Vacas », le « Passamezzo » ou le « Mappa mundi ». N’oublions pas non plus les fanfares propres à chaque cour ou chaque ville (« Dit le bourguynon », « Vive le Roy », « Propiñan de Melyor », « Chiave, chiave ») ou les danses d’origine populaire (« Collinetto », « la Perra mora », la « Folia ») ou d’origine courtisane (Pavanes, Gaillardes, Saltarellos, etc..) auxquelles on peut ajouter, à partir du milieu du XVIe siècle les Fantaisies, Tientos, Batallas, Diferencias et Glosados.

Pour donner une vision équilibrée des premières années de ce processus (1450-1550), dont il y a peu de sources écrites, nous avons complété les merveilleux exemples de Johannes Cornago, Hayne van Ghizeghem, Josquin des Prés, Bartolomé Ramos de Pareja, par une sélection de divers Villancicos et Canciones du XVe siècle et du début du XVIe siècle. Nous les interprétons instrumentalement, inspirés par les mêmes procédés d’adaptation que ceux que nous trouvons, magistralement réalisés dans les publications postérieures par Luys de Narváez (1538), Diego Ortiz (Roma 1553), Luis Venegas de Henestrosa (1557), Tomás de Santa María (1565) ou Antonio et Hernando de Cabezón (1578).

Nombre de ces œuvres ont servi d’interludes instrumentaux à nos enregistrements de musique vocale des Siècles d’Or, spécialement à ceux consacrés aux principaux chansonniers : Colombina, Juan del Enzina, Palacio, Calabria, Medinaceli, Sablonara. Dans cette nouvelle proposition de programme, nous pouvons les entendre réunis pour la première fois pour former un « corpus » indépendant. Dans ce « corpus », les pièces sont sélectionnées et regroupées en fonction d’un concept musical contrasté et en même temps respectueux de l’espace musical de chaque œuvre et sont de préférence dans un ordre chronologique. De cette façon, on peut souligner davantage l’originalité, la beauté et la grande variété de formes et de styles d’un répertoire qui, outre son importance propre en tant que tel, représente aussi la naissance et le splendide épanouissement d’un art nouveau, celui de las músicas para tañer. Il s’agit d’un art qui sera le fondement sur lequel se développeront aux XVIIe et XVIIIe siècles tout le riche répertoire de musique de chambre et celui de l’ensemble orchestral.

JORDI SAVALL
Paris/Séoul, décembre 2008

Traduction : Irène Bloc

This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.